Visiter la Crypte de la Cathédrale avec Christian Sapin

Visite de la crypte avec M. Christian Sapin

Aperçu de la crypte de la cathédrale de Clermont

Aperçu de la crypte de la cathédrale de Clermont

Description :

Construite en arkose, comme la cathédrale romane, la crypte a été modifiée, agrandie, excavée à différentes époques, du Xe au XIIIe siècle.

Commencée peut-être par Etienne II, consacrée plus tard (sous Etienne IV ?), elle a été creusée au Xe (charbon de bois daté au carbone 14 de 980-1020) sous l’abside de la cathédrale précédente, sans doute carolingienne. Elle était semi-enterrée, et éclairée par de grandes fenêtres ouvertes dans les chapelles (Mallay a découvert des vestiges de médaillon, disparus depuis, avec une inscription se rapportant à Stremonius). On y accédait par deux escaliers, au nord-ouest, et au sud-ouest. Une grille en fermait l’accès aux laïcs.

Elle a été comblée lors de la construction du chœur gothique dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, et les structures antérieures ont été détruites. En 1855 l’architecte Mallay  a redécouvert une partie de la crypte et commença l’excavation qui se poursuivit jusqu’en 1911. (Ruprich-Robert).

La crypte se compose d’une vaste salle d’environ 9m de long et 6m de large, autrefois couverte d’une voute d’arêtes. A l’est se trouve un chœur en trois parties, créé par Ruprich-Robert : il n’y avait à l’origine qu’une étroite baie.

A l’ouest on observe une travée à trois compartiments, créée au XIIe.

Les murs réemploient du matériel romain : briques, tuiles, blocs de trachyte de l’ancien forum.

La seule partie qui subsiste de la cathédrale romane est la base des piliers du chœur, à l’ouest. On peut suivre la base du chœur roman, en dessous du plafond de béton, qui date du début du XXe. Le sol, où l’on a matérialisé l’emplacement des piliers, a été refait en 1948.

Un déambulatoire très étroit (1,20m) entoure le chœur, et desservait 4 chambres fortes quadrangulaires, fermées par des grilles. Des armoires liturgiques y ont été aménagées à la fin du XIe, en réemployant des morceaux de chancel carolingien (comme on peut le voir dans la chapelle nord).

Des fenestrelles (réemploi d’entrelacs carolingiens) ont été ouvertes dans le déambulatoire, sans doute pour apporter de la lumière. Les fresques qui décoraient le déambulatoire (multiplication des pains,  Annonciation…) datent de la fin du XIIe siècle, ou début XIIIe.

 

A quoi servait la crypte ? Hypothèses

L’utilisation de la crypte s’est faite du Xe au XIIIe siècle. Il faut imaginer une évolution de son rôle. Les hypothèses suivantes sont établies par analogie avec d’autres cryptes.

La grande salle aurait servi de salle de trésor, pour les reliquaires et autres objets liturgiques, et peut-être la statue de la Vierge d’Alleaume (cf Christian Sapin, p 151). Il n’y avait pas à la cathédrale, selon le Libellus, de « corps saints » d’évêques. Mais la présence d’autres reliques est attestée : saints Vital et Agricol, dans le reliquaire carolingien, la statue de la Vierge contenant des reliques apportées par saint Austremoine, la chasuble de la Vierge donnée à saint Bonnet…L’apport de nouvelles reliques a pu modifier leur aménagement. Le transport des corps saints d’évêques, enterrés dans des églises hors mur, est une hypothèse malgré tout peu probable : aucun texte ne le mentionne, et la cathédrale gothique n’en possédait pas.

Le déambulatoire permettait au XIIe aux laïcs d’approcher les reliques, peut-être de processionner, sans entrer dans la salle, ou au moins de les apercevoir par la baie orientale. Les chrétiens, convaincus qu’une puissance salvatrice émanaient des corps saints ou des reliques qui en proviennent, considéraient que celle-ci se propageait aux corps disposés aux alentours, en les «sanctifiant» et en leur procurant, si leur vie n’avait pas été méritoire, l’union avec Dieu. Ce pouvoir des reliques était censé agir à la manière d’un rayonnement, dont la puissance décroissait au fur et à mesure qu’on s’éloignait de la source.  (Elżbieta Dąbrowska, Leclercq 1907, 508-509; Picard 1998, 311-312).

 

Dans les salles rectangulaires, aménagées tardivement en chapelles, se trouvent deux sarcophages mérovingiens. Les archéologues ont retrouvé des ossements. Les autels ont pu servir à dire des messes…

Des modifications dans le culte des reliques au XIIIe, et la volonté de les rendre plus visibles, ont entraîné leur installation dans le chœur gothique, comme cela est attesté dans d’autres églises ( Limoges, …)

 

Les sarcophages

Nous avons pu faire découvrir aux archéologues présents deux détails concernant les sarcophages :

Le sarcophage d’Aquitaine présente une scène de chasse au sanglier révélée depuis longtemps, mais avec un détail passé inaperçu : le chasseur a un aide allongé par terre, jusqu’ici supposé piétiné par l’animal. Nos multiples examens de la scène effectués lors des visites ont révélé qu’en fait il s’agissait du guet du personnage devant la bauge de l’animal. On distingue très nettement le début du tunnel, où s’étaient sans doute réfugiés les marcassins.

Le deuxième sarcophage est plus extraordinaire encore, et de très nombreux visiteurs étrangers le connaissent et désirent le contempler. C’est un des plus beaux sarcophages romains du IVe siècle qui existe. Le programme iconographique est explicite : la frise frontale présente l’itinéraire de la vie chrétienne, du baptême à la Résurrection. (voir Martine Dulaey : Symboles des Évangiles (Ier-VIe s.). Le Christ médecin et thaumaturge, Paris, Hachette, 2007 ;  Charles Pietri  : Roma christiana. Recherches sur l’Église de Rome, son organisation, sa politique, son idéologie, de Miltiade à Sixte III (311-440)   Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome 224, Roma: École française de Rome, 1976)