Retables sculptés d’Auvergne

Les scènes représentant le déroulement de la Passion du Christ sont très fréquentes au XVe, et XVIe siècles : tant dans les tableaux, les statues, que dans les retables. Ainsi, Jacques Audigier (1) raconte que le jubé de la cathédrale de Clermont, installé sous l’évêque Martin Gouge de Charpaigne au XVe, jubé disparu à la Révolution, possédait une frise sculptée racontant la Passion du Christ.

Cette insistance sur la Passion, avec l’apparition des statues des Piétas, des « Christ aux outrages », des Christs aux liens, des Mises au tombeau, s’inscrit dans le mouvement de la « Devotio moderna », apparu en Europe du Nord avec Gérard Groote (1340-1384, clerc néerlandais à l’origine d’une nouvelle conception de la spiritualité), mouvement qui se répand rapidement dans toute l’Europe. Cette dévotion insiste sur l’humanité du Christ, sur la nécessité pour les clercs, mais aussi pour les laïcs, de méditer sur les souffrances de la Passion du Christ, de partager la douleur de la Vierge, et surtout de réfléchir sur la mort.

Les retables sculptés sont placés derrière l’autel où le prêtre consacre l’Eucharistie, sacrement de la Mort et de la Résurrection du Christ. Les scènes représentant la Passion avivaient la piété du prêtre et des fidèles, en mettant sous leurs yeux le mystère qu’ils célébraient. Les représentations sont très réalistes, les détails des visages, des attitudes, des costumes sont précis : les visages montrent le chagrin, la souffrance, la compassion, ou la haine, de façon très expressive, les plis des vêtements, particulièrement ceux de Marie-Madeleine, sont élégants. Les scènes s’inscrivent dans un décor architectural permettant des jeux de lumière, et évoquant la Jérusalem céleste, tandis que la dorure évoque la lumière divine.

Particulièrement répandus en Europe du Nord, les retables sont rares en Auvergne : les fragments d’Aigueperse et d’Ardes-sur-Couze semblent être les seuls. (2)

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1  Jacques Audigier (1619-1698), avait entrepris un ouvrage sur l’histoire d’Auvergne, repris et complété par son fils Pierre Audigier, né le 2 juillet 1659, à Clermont, devenu chanoine de la cathédrale en 1706, et mort le 9 avril 1744. Pierre Audigier légua les manuscrits de cet ouvrage à la bibliothèque des Pères Jésuites de Clermont. En 1762, après l’expulsion de la Compagnie de Jésus, les manuscrits furent transportés à Paris à la Bibliothèque Royale, aujourd’hui Bibliothèque Nationale, où ils se trouvent encore.
2 Si vous en connaissez d’autres, nous serions heureux que vous nous en informiez!
Eglise Notre-Dame d'Aigueperse, fragment de retable sculpté

RETABLE D’AIGUEPERSE

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Il reste dans l’église Notre-Dame d’Aigueperse un fragment d’un très beau retable représentant la déploration de la Vierge.

Le Christ est allongé, sa tête entre les mains de Marie-Madeleine. La Vierge au long voile bleu tient la main gauche de son Fils.

Elle est entourée par les trois « Marie » : Marie-Madeleine, Marie Salomé, et Marie-Cléophas, qui se rendront au tombeau le jour de Pâques (Mc, 16-1). Marie-Madeleine, la pécheresse repentie, se distingue par la richesse de ses habits.

Jean, le disciple bien aimé, soutient la Vierge. Deux personnages l’entourent : Nicodème, et Joseph d’Arimathie, qui sont deux notables juifs qui ont enseveli le Christ.

La scène est remarquable par la qualité de sa sculpture, par l’expressivité des postures, des visages.

Eglise Notre-Dame d'Aigueperse, fragment de retable sculpté,
Eglise Notre-Dame d'Aigueperse, fragment de retable sculpté, Marie
Eglise Notre-Dame d'Aigueperse, fragment de retable sculpté, Marie
Eglise Notre-Dame d'Aigueperse, fragment de retable sculpté, saint Jean
Eglise Notre-Dame d'Aigueperse, fragment de retable sculpté, saint Jean
Eglise Notre-Dame d'Aigueperse, fragment de retable sculpté, Nicodème
Eglise Notre-Dame d'Aigueperse, fragment de retable sculpté, Nicodème
Eglise Notre-Dame d'Aigueperse, fragment de retable sculpté, Joseph d'Arimathie
Eglise Notre-Dame d'Aigueperse, fragment de retable sculpté, Joseph d'Arimathie

RETABLE D’ARDES-SUR-COUZES

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Dans le retable du maître-autel de l’église Saint-Dizain d’Ardes-sur-Couze ont été insérés des fragments d’un retable sculpté de la Passion.

Huit bas-reliefs demeurent, de 21×34 cm, placés dans des niches rectangulaires ornées de petits cartouches Renaissance Les niches ont 33 cm de haut sur 64 de long.

De gauche à droite, on voit

  • Le Christ devant Pilate : le Christ en longue robe dorée, les mains liées, est présenté à Pilate par deux bourreaux gesticulants. Pilate est assis, un sceptre à la main, un grand chaperon sur le tête. Il est barbu et sa chevelure est bouclée.
  • La flagellation : le Christ est adossé à une colonne, les mains liées derrière le dos. Deux bourreaux le frappent, l’un d’un fouet, l’autre d’un bâton. Celui de droite tire les cheveux du Christ afin de lui faire lever la tête. Le corps est couvert de sang.
  • Le couronnement d’épines : vêtu d’une robe dorée à revers bleus, le Christ aux mains liées est assis. Deux soldats lui enfoncent sur la tête une grande couronne d’épines, à coups de bâton. Le bourreau de droite prend appui du pied droit sur le genou du Christ pour mieux enfoncer la couronne.
  • Le portement de Croix : Jésus monte au calvaire, en longue robe dorée, une corde autour de la taille, tiré par un soldat qui le menace du poing. Simon de Cyrène aide le Christ.
  • Jésus est cloué à la croix : un amas de rochers représente le Calvaire. La croix est posée de biais sur la pente. Deux bourreaux attachent solidement le Christ, le premier par un bras, le deuxième les jambes. Un troisième bourreau cloue la main gauche.
  • La déposition de croix : Joseph d’Arimathie reçoit sur les épaules le cadavre de Jésus, dont les pieds sont encore cloués. Nicodème monté sur une échelle soutient le corps avec une ceinture passé autour de la taille.
  • La mise au tombeau : Nicodème et Joseph d’Arimathie placent le corps du Christ dans un sarcophage. Ils recouvrent le cadavre d’un suaire. La Vierge, soutenue par saint Jean, regarde une dernière fois son fils.
  • La Résurrection : le Christ, drapé d’une grande étoffe, enjambe le tombeau devant lequel un soldat repose. Deux casques de soldats encadrent de façon étrange le Christ.
Ardes sur Couzes, église Saint-Dizain, retable : le Christ devant Pilate, photo Bernard Craplet
Ardes sur Couzes, église Saint-Dizain, retable : le Christ flagellé, photo Bernard Craplet
Ardes sur Couzes, église Saint-Dizain, retable : le Christ couronné, photo Bernard Craplet
Maître-autel d'Ardes sur Couze, photo Bernard Craplet
Maître-autel d'Ardes sur Couze, photo Bernard Craplet
Ardes sur Couzes, église le portement de croix, photo Bernard Craplet
Ardes sur Couzes, église Saint-Dizain, la crucifixion, photo Bernard Craplet
Ardes sur Couzes église Saint-Dizain, la déposition
Ardes sur Couzes église Saint-Dizain, photo Bernard Craplet,mise au tombeau et Résurrection

Deux autres scènes ont été installées en 1634 dans deux petites niches surmontant le retable  :

  • La Vierge défaille au pied de la Croix, soutenue par saint Jean.
  • Le centurion proclame sa Foi devant deux soldats : « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu »
Ardes sur Couze, église Saint-Dizain, photo Bernard Craplet, fragments de retable
Ardes sur Couze, église Saint-Dizain, fragments de retable
Ardes sur Couze, église Saint-Dizain, fragments de retable
Ardes sur Couze, église Saint-Dizain, fragments de retable