L’entrée à Jérusalem

  Hosanna au plus haut des cieux !

entrée à Jérusalem, sarcophage, cathédrale de Clermont
entrée à Jérusalem, sarcophage, cathédrale de Clermont

Nous sommes à Rome au IVe siècle. Un sculpteur taille un sarcophage en marbre de Carrare, au plan parfaitement défini. Ce sarcophage partira pour la Gaule, à Augustonemetum…où, bien des siècles après, nous essaierons de commenter le programme de ce sarcophage romain. (pour la totalité du sarcophage, voir la page de la crypte)

Nous voyons ici, sur une des faces latérales du sarcophage, trois personnages.

Sur ce bas-relief, un jeune homme, aux cheveux ondulés, portant des sandales, monte un âne, reconnaissable à ses oreilles aplaties, les détails du harnachement étant bien visibles. Il lève sa main droite, signifiant ainsi qu’il parle….

Christ sur un âne

… et il s’adresse à un petit personnage huché sur un arbre.

Les feuilles, et surtout les fruits permettent d’identifier cet arbre : c’est un olivier.

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Devant les sabots de l’âne, un homme pose un manteau, faisant ainsi un tapis sur lequel l’âne s’avance.

Enfant dans l'arbre
enfant déposant vêtement

En utilisant le texte de la Bible canonique pour interpréter cette scène, nous sommes conscients de faire un anachronisme : au IVe, les Écritures n’étaient pas fixées, et il faudrait revenir à la « Vetus latina » pour retrouver les récits utilisés à cette époque…

Le jeune homme est facilement identifiable : c’est le Christ, jeunesse éternelle, le bon Pasteur.

Le personnage dans l’arbre à qui s’adresse le Christ pourrait être Zachée. Mais la venue du Christ sur l’ânon évoque plutôt la fête des Rameaux, une semaine avant celle de Pâques.

Il est monté sur un âne,  comme le montrent les évangélistes, qui reprennent ici le livre de Zacharie (9, 9) :

Exulte avec force, fille de Sion !
Crie de joie, fille de Jérusalem !
Voici que ton roi vient à toi :
Il est juste et victorieux,
humble, monté sur un âne,
sur un tout jeune ânon.

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Il est accueilli sur le chemin par la foule, qui agite des branchages, et qui acclame sa venue. La présence de l’olivier évoque la fin des temps.

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Tout ici rappelle la fête des Tabernacles, fête juive de l’automne, après la récolte des olives : les branches portées par les disciples … le chant de l’Hosanna, c’est-à dire du Psaume 117, qui est celui de la Fête et que l’on retrouve dans l’Apocalypse ; la procession elle-même… Le fait que la scène soit située sur le Mont des Oliviers est aussi en rapport avec les Tabernacles, car c’était là que les Juifs dressaient leurs huttes de feuillage avant la fête (Cf.  Jean Daniélou, « Le signe du Temple »).

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Lors de cette fête, le peuple hébreu chantait (Ps 117, 24-27)

Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !
Donne, Seigneur, donne le salut ! Donne, Seigneur, donne la victoire !
Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! * De la maison du Seigneur, nous vous bénissons !
Dieu, le Seigneur, nous illumine. Rameaux en main, formez vos cortèges jusqu’auprès de l’autel.

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« Donne le salut » se dit en araméen  » Hosanna « .
Ce cri s’adresse au Messie qui vient, monté sur son âne, comme nous le chantons lors du Sanctus à la Messe.

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Reprenons les commentaires de Pierre Le Brun, prêtre de l’Oratoire au XVIIIe : «  L’Eglise joint ici (dans le Sanctus) fort à propos les deux Hosanna ; l’un adressé à Dieu seul, comme faisaient les anciens juifs lors de la fête des Tabernacles, … l’autre adressé à Jésus-Christ à son entrée à Jérusalem. Par le premier Hosanna, nous demandons la force et le secours qui nous sont nécessaires pour chanter dignement le saint cantique avec les esprits célestes. Et, par le second Hosanna, nous demandons ce secours par Jésus-Christ, en bénissant ce divin Sauveur, qui est venu dans le monde au Nom de Dieu son Père, et qui vient actuellement se rendre présent sur l’autel, pour nous donner toutes sortes de secours, et nous mettre en état de louer dignement la divine Majesté »

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Zacharie, au chapitre 14, décrit la visite eschatologique de Dieu dans le cadre de la fête des Tabernacles. YHVH apparaît sur le Mont des Oliviers, « qui est à l’orient de Jérusalem » (14, 4). En ces jours-là, « des eaux vives sortiront de Jérusalem » (14, 8).

Les vêtements étendus sur le chemin représentent le signe d’hommage envers un homme choisi comme roi. Ainsi, dans le second livre des Rois (9, 12), un prophète consacre Jéhu comme roi d’Israël ; il dit :

« Ainsi parle Yahvé : par cette onction, je te sacre roi d’Israël. »
Aussitôt, tous prirent leurs vêtements et les étendirent sous ses pieds, en haut des marches.
Ils sonnèrent du cor et crièrent : « Jéhu est roi ! »

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Enfin, si nous reprenons Jean, 12, 13-17 :

Les gens prirent des branches de palmiers et sortirent à sa rencontre. Ils criaient : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le roi d’Israël ! »
Jésus, trouvant un petit âne, s’assit dessus, comme il est écrit :
Ne crains pas, fille de Sion. Voici ton roi qui vient, assis sur le petit d’une ânesse.
Cela, ses disciples ne le comprirent pas sur le moment ; mais, quand Jésus fut glorifié, ils se rappelèrent que l’Écriture disait cela de lui : c’était bien ce qu’on lui avait fait.
La foule rendait témoignage, elle qui était avec lui quand il avait appelé Lazare hors du tombeau et l’avait réveillé d’entre les morts.

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Sur le sarcophage, la scène représentant l’entrée à Jérusalem est en mettre en rapport avec la résurrection de Lazare, la dernière sur la face principale. Les deux scènes, et l’eau vive que fait jaillir saint Pierre dans sa prison, et la samaritaine au puits dessinent un chiasme qui souligne la correspondance entre les épisodes, eau vive, résurrection.

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Nous voyons l’anticipation de la glorification du Christ par sa mort et de sa résurrection, en lien avec Lazare.
Être baptisé, c’est à travers la mort entrer dans la vie de la résurrection, cette vie éternelle qui est Jésus lui-même.

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