La famille Pascal et la Cathédrale

Chasuble du XVIIe, cathédrale de Clermont

La famille Pascal et la Cathédrale

cathedrale de Clermont ; gravure bréviaire Massillon
La cathédrale de Clermont au temps des Pascal : gravure du Bréviaire de Massillon, 1731

.

Il n’existe dans les documents aucun rapport entre Blaise Pascal et la cathédrale : baptisé dans l’église Saint-Pierre, puis revenant à Clermont chez son beau-frère à Bien-Assis qui dépendait de la paroisse Saint-Bonnet, il n’a sans doute que peu mis les pieds à la cathédrale…. Mais il n’en est pas de même de ses neveu et nièce Louis et Marguerite Périer, qui ont été liés l’un et l’autre à la cathédrale.

La famille Pascal n’avait pas abandonné l’Auvergne, et Clermont malgré le départ à Rouen : Florin Périer avait acquis en 1652 le château de Bien-Assis[1], qui dépendait de la paroisse Saint-Bonnet.

La guérison miraculeuse de la nièce et filleule de Blaise Pascal Marguerite Périer à Port-Royal est bien connue….nous vous renvoyons à tous les articles qui étudient cette guérison.

[1] Le 20 septembre 1652, Florin Périer achète aux Mallet de Vandègre le château de Bien-Assis, avec les adjonctions et rentes y afférant, pour la somme de trente-deux mille livres tournois. Belle maison qu’il est réputé « avoir enjolivée de beaucoup ». Blaise Pascal y passa tout l’été 1660 : les derniers beaux jours de sa vie. Thérèse Goyet, op cité

Brève généalogie :

Etienne Pascal (1588-1651) + Antoinette Begon (1596-1626)

  • Anthonia Pascal (1617-1625)
  • XXXX (1619-)
  • Gilberte Pascal (1620-1687) + Florin Périer (1610-1672)
    • Etienne (1642 -1680)
    • Jacqueline (1644-1695)
    • Marguerite (1646-1733)
    • Marie (1647-1650)
    • Louis (1651-1713)
    • Blaise (1653-1684)
  • Blaise Pascal (1623-1662)
  • Jacqueline Pascal (1625-1661)
chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Clermont
chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Clermont

Louis et Marguerite Périer à Clermont :

Après la mort de Gilberte Pascal, et de sa sœur Jacqueline Périer en 1695, Marguerite Périer quitta définitivement Paris pour rejoindre son dernier frère, Louis, doyen du chapitre Saint-Pierre de Clermont. Ils demeuraient ensemble au château de Bien-Assis. Marguerite Périer fut nommée en 1700 à la direction de l’Hôtel-Dieu de Clermont. Mais elle n’y resta que quelques mois, sa santé ne lui permettant pas d’en assurer la charge, et elle retourna à Bien-Assis vivre avec son frère Louis, nommé chanoine à la Cathédrale. Le 16 mai 1701, Louis Périer résigna sa charge de doyen de Saint-Pierre.

En 1702, Louis Périer et sa sœur vendaient Bien-Assis, et donnaient la somme à l’Hôtel-Dieu, et au parti janséniste. Ils s’étaient réservé l’usufruit d’un appartement à Bien-Assis, qu’ils abandonnèrent en 1707 pour aller vivre dans une petite maison située rue des Grands Jours à Clermont, sur la paroisse de Notre-Dame du Port. Tant que Louis Périer demeura en vie, ils étaient paroissiens de Sainte-Croix de la Cathédrale.

Louis Périer y mourut le 13 octobre 1713, et fut enterré dans la chapelle de la mort [1](chapelle Sainte-Anne), à la Cathédrale

[1] Au mois de juillet 1701, une bulle du pape Clément XI institua dans l’église collégiale et paroissiale de Saint-Pierre la confrérie de Notre-Dame-de-Bonne-Mort. Cette église ayant été démolie à la Révolution, la confrérie fut transférée en 1803 dans l’église cathédrale, par un décret du cardinal Caprara, légat a latere. Mgr de Dampierre jugea que l’ancienne « chapelle de la mort » était tout indiquée pour devenir le siège de cette confrérie, et il rendit une ordonnance dans ce sens, le 29 juin 1804. Ce serait donc dans cette chapelle qu’est inhumé Louis Perier. Elle devint la chapelle des évêques, où sont enterrés la plupart des évêques depuis le Concordat.

Fin de la vie de Marguerite Périer :

Après la mort de son frère, Marguerite Périer devint paroissienne de Notre-Dame du Port. Mais elle resta fidèle à la messe à la Cathédrale pendant vingt ans.

« D’après le Supplément au Nécrologe de Port-Royal, Mlle Périer, pendant les dernières années de sa vie, perdit l’usage de ses jambes et ne sortit plus que les dimanches et fêtes, se faisant porter en chaise à la Cathédrale, pour y entendre la messe et faire ses dévotions… » (Jaloustre)

Marguerite Périer mourut en 1733 dans la seule propriété qui lui restait, la petite maison rue des Grands Jours achetée en 1707. Ses derniers moments furent assombris par la guerre menée contre le jansénisme : son parent curé de Notre-Dame du Port voulut qu’elle promette de ne plus lire quoi que ce soit contraire à la Bulle Unigenitus, et de rompre tout lien avec les jansénistes. Marguerite Périer refusa. Il fallut l’ordre de Massillon pour que l’un des vicaires administre sans condition la mourante. Elle est sans doute enterrée dans l’église de Notre-Dame du Port, dans le caveau des Périer…

A la Cathédrale :

Outre la tombe (disparue) du chanoine Louis Périer dans la chapelle Sainte-Anne, deux témoins de la famille Pascal à la cathédrale sont à signaler.

Un ex-voto :

François-Roger de Gaignières décrit un tableau ex-voto que les Périer avaient fait placer vis-à-vis de l’autel de la Vierge. C’était sans doute au début de la nef, au sud, car la chapelle de la Vierge était une des deux chapelles du Jubé. Voici la traduction de l’inscription latine[1] sur une plaque de marbre noire : « Marguerite Périer, jeune fille de dix ans ayant été, par l’attouchement de l’Epine vivifiante, guérie en un moment, le 24 mars 1656, d’une dégoutante et incurable fistule qu’elle avait depuis trois ans à l’œil gauche, ses parents ont consacré à Jésus-Christ sauveur ce portrait qui la représente, pour être un témoignage de la reconnaissance qu’ils ont d’un si grand bienfait ». L’église de Linas possède un tableau identique à celui qui était à la cathédrale[2]. Sur ce tableau, Marguerite Périer était représentée agenouillée, en habit de novice du couvent, au pied d’un des autels de l’église de Port-Royal sur lequel était exposé le reliquaire. Ce tableau disparut à la Révolution.

Une chasuble?

Marguerite Périer fonda à la cathédrale une messe votive en l’honneur du miracle de la Sainte Epine ; l’acte est du 6 mars 1685. Cette messe fut célébrée chaque année le 24 mars à la cathédrale, jusqu’à la Révolution. C’était une messe solennelle. Un manuscrit de la bibliothèque du chapitre, que Jaloustre avait pu consulté, la décrivait ainsi :[3]  « Une messe votive solennelle doit être célébrée chaque année le 24 mars, en action de grâce d’un miracle remarquable, examiné et authentifié suivant le rite par l’archevêque de Paris, la guérison ce jour là de l’année 1656 d’une fistule dont souffrait Marguerite Périer au monastère de Port-Royal de Paris depuis trois ans, par l’attouchement de la relique de la Sainte Epine. Si ce jour tombe pendant la semaine sainte, ou un dimanche, ou un jour de fête solennelle, cette messe sera célébrée le vendredi suivant le troisième dimanche de carême, ou un jour proche du 24 mars. ». Marguerite Périer y assista jusqu’à sa mort.

Le célébrant portait pour cette messe une chasuble en velours cramoisi, relevé en bosses d’or, et orné d’un grand Saint Esprit en argent que Marguerite Périer avait donnée.
Il existe encore à la cathédrale une chasuble du XVIIe siècle, en velours pourpre, avec un grand Saint-Esprit brodé : il est possible que ce soit la chasuble donnée par Marguerite Périer. Ce serait le seul vestige des donations de la famille Pascal à la Cathédrale.

[1] « Christo sospitatori hanc effigiem Margueritæ Perier, decennis puellæ, cujus sinister oculus, fæta et insanabili ægilope jam triennium laborans, vivificæ spinæ contactu momento curatus est die martii 24 e anno 1656, memores tanti beneficii parentes sacraverunt »
[2] Pour Élie Jaloustre il y eut quatre versions, celle de Port-Royal attribuée à Philippe de Champaigne et transférée à Linas ; « une peinture à peu près semblable fut donnée par la famille Périer à l’église cathédrale de Clermont pour être suspendue à l’un des piliers de la nef, et la chapelle de l’Hôpital général, ainsi que la chapelle du château de Bien-Assis […] possédaient chacune un ex-voto de ce genre »
[3] « Missa votiva in ecclesia Cathedralis Claromontensi solemni ritu quotannis XXIV martii Celebranda, pro gratiarum actione ob insigne miraculum, archiepiscopi parisiensis authoritate rite et examinatum et probatum quod Margareta Perier in monasterio Portus-Regii parsiensis contactu sacrae Spinae ibidem asservatae, a trienni ac desparata oculi fistula hac ipsa die anno 1656 momento sanata est. Si vero supradicta dies impediatur officio solemni, vel concurrat cum dominica, aut cadat infra feriam secudam majoris hebdomadae, haec missa celebratur feria sexta post dominicam tertiam quadragesimae. Qua feria similiter impedita, celebratur feria ad XXIV martii proxime accedente. »
Marguerite Périer à Port-Royal, à l'âge de 10 ans, Bib du Patrimoine, Clermont-Ferrand
Marguerite Périer à Port-Royal, à l’âge de 10 ans, Bibliothèque du Patrimoine de Clermont-Ferrand
Attribué à Philippe De Champaigne, Cote : GRA N 39 3
Chasuble du XVIIe, cathédrale de Clermont
Chasuble du XVIIe, cathédrale de Clermont
Cette chasuble du XVIIe siècle, conservée dans les réserves des tours sud, possède les caractéristiques décrites dans la donation de Marguerite Périer pour la célébration de la messe de fondation : velours cramoisi, relevé de bosses d’or, et orné d’un grand Saint-Esprit d’argent…

La guerre contre les jansénistes ne s’éteint pas : 

Tous ces détails sont connus grâce au combat acharné d’un adversaire des jansénistes, quarante ans plus tard : l’avocat clermontois François-Guillaume Quériau lutta de 1778 jusqu’à la Révolution pour faire annuler cette donation. Il voulait également qu’on ôtât de la cathédrale l’ex-voto du miracle. Quériau accusait dans de multiples libelles les chanoines de la cathédrale d’hérésie, de jansénisme. Son combat ne s’éteint qu’avec la Révolution.

Sources : Élie JALOUSTRE, « Une nièce de Pascal, Marguerite Périer », dans Bulletin historique et scientifique de l’Auvergne, 1901, pp. 68 – 96 et 102- 147.
« Un neveu de Pascal : Louis Périer, Le cas de conscience », Clermont-Ferrand, Louis Bellet, 1906.
Francine LECLERCQ : « Papiers de famille », Courrier du Centre international Blaise Pascal,7 | 1985.
Francisque MEGE : « Un litige canonique au XVIIIe, l’avocat Quériau et le miracle de la Sainte Epine » Revue d’Auvergne, t. 2,‎ 1885, p. 233-251.
Thérèse GOYET, « De Marguerite Périer au CIBP », Courrier du Centre international Blaise Pascal [En ligne], 7 | 1985,